Au Québec, les questions salariales sont depuis longtemps tabou dans plusieurs entreprises. Cependant, depuis les dernières années, il est devenu courant d’en parler ouvertement comme le prix de son nouveau vélo. Or, sachez que contrairement à ce que vous croyez, le fait de ne pas afficher de salaire vous freine dans vos embauches et nuit grandement à la réputation de votre entreprise. En effet, les offres d’emploi sans salaire reçoivent d’emblée 10 à 20 fois moins de CV que les autres et cela dans toutes les sphères des professions ou spécialités. Bien que certains employeurs considèrent le salaire comme une arme à double tranchant, il n’en demeure pas moins que si vous vous souciez de la réputation de votre entreprise, vous devriez au moins indiquer un intervalle de salaire généreux. Voici quelques éléments à connaître pour obtenir un meilleur rendement de vos annonces sur vos postes à pourvoir.
Comprendre l’importance de donner une bonne impression
D’abord, dans son livre sur les systèmes de pensées, Daniel Kahneman expose les ravages des partis pris et autres biais cognitifs dont nous sommes les jouets. La thèse centrale du livre est la dichotomie entre deux modes de pensée : le système 1 (rapide, instinctif et émotionnel) et le système 2 (plus lent, plus réfléchi et plus logique). À cet effet, sachez que le temps moyen d’un candidat à lire votre offre d’emploi est de 52 secondes (Emplois spécialisés, 2022). À cette vitesse, il est fort à parier que vos offres d’emploi ne seront évaluées qu’en surface. Ainsi, il est préférable de laisser le moins de biais possible pour ne pas se faire rejeter inutilement.
Que pensent réellement les candidats des offres sans salaire?
Bien que plusieurs employeurs se croient encore dans les années 1990 en tentant d’acquérir un employé en bas du prix du marché, il est devenu impératif d’afficher le salaire pour attirer et fidéliser vos employés. Par exemple, il n’est pas rare de voir des offres publiées sur les réseaux sociaux qui font la risée de certains groupes d’emplois. Des commentaires comme « J’ai presque le goût d’envoyer mon CV », accompagnés d’emojis dégradants sur des offres d’emploi sans salaire, sont devenus monnaie courante sur Facebook.
À cet égard, le simple fait d’afficher vos postes gratuitement sur les réseaux sociaux ou d’autres sites d’annonces de faible valeur plutôt que sur des sites professionnels d’emplois donne une impression négative de votre organisation (évidemment, il y a toujours des exceptions). Pour preuves, il y a un nombre incalculable d’emplois à faible valeur affichés gratuitement sur les réseaux sociaux ou les sites gratuits. Les gens peuvent malheureusement et facilement associer votre entreprise comme un mauvais employeur ou comme une organisation à faible valeur ajoutée. Vous attirez les employés qui ont cure de votre établissement et ils sont généralement que de passage chez vous. À cet égard, voici quelques impressions que laissent les offres d’emplois sans salaire :
- Pas de salaire : « Pas de conditions de travail intéressantes et même pas de site Web qui a de l’allure, imagine comment ils traitent leurs employés ».
- Salaire à discuter : « Attention, on dirait que cet employeur essaie de recruter des nigauds ».
- Salaire selon expérience : « Ark!, un autre employeur que va essayer de négocier à la baisse le salaire de ses employés ».
- Salaire concurrentiel : « Affiche-le donc ton salaire s’il est concurrentiel! Ça veut probablement dire que ce n’est pas vrai, le salaire va être en bas de la moyenne ».
Pire encore, il y a des professions où les employés détestent parler de salaire ou faire de la négociation. Par exemple, les infirmières et plusieurs professionnels de la santé vont privilégier les offres sérieuses avec salaires comme celles du gouvernement. Pour les autres, vous allez compter les CV de qualité au compte-gouttes ou attirer des candidats de piètre qualité.
Un sondage qui en dit long réalisé auprès des professionnels RH!
Pas encore convaincu? Selon un récent sondage chez les professionnels RH, 75% d’entre eux croient que les candidats vont envoyer leur CV aux postes qui affichent des salaires clairement définis. Un sondage qui a étonnamment attiré l’attention de plus de 13 200 personnes avec plus de 490 répondants.
Ainsi, on peut penser que la grande majorité des professionnels RH comprennent l’importance d’afficher les salaires… Il ne reste qu’à faire changer l’opinion des patrons et gestionnaires qui ne comprennent souvent pas la réalité des troupes sur le terrain!
Une nouvelle réalité québécoise pour le marché de l’emploi
Que vous le vouliez ou non au Québec, nous connaissons une tout autre réalité. Par exemple, au cours des 12 derniers mois, les salaires ont progressé de 5,2 % pour atteindre 31,24 $ soit 1,54 $ de plus. Par ailleurs, l’emploi a diminué en juin de 43 000 personnes, ce qui a été attribué à une diminution des travailleurs de 55 ans et plus et qui vient contrebalancer entièrement la hausse de 40 000 nouveaux emplois enregistrée en mai. Le taux de chômage s’établit à un creux record de 4,9 % pour un quatrième mois consécutif. Bref, les employés sont moins nombreux, plus exigeants en terme salarial et de plus en plus sélectifs. À cet égard, évitez de tergiverser sur la question salariale et réorganisez votre entreprise pour réussir à tirer avantage de la situation actuelle.
À retenir…
Auparavant, on parlait beaucoup de la résistance aux changements des employés. Avec la nouvelle réalité de l’emploi en 2022, c’est au tour des employeurs de faire face à ce changement inévitable pour attirer les talents de qualité. À cet effet, plus les employeurs s’entêtent à ne pas afficher de salaire, plus ils récoltent les employés souvent les moins performants, car les autres ont déjà été embauchés avec des offres plus attrayantes. Bref, servez-vous des employeurs entêtés qui peinent à recruter. Recrutez différemment les meilleurs candidats avec des salaires réellement compétitifs, car cette fois, c’est vous qui allez avoir le premier choix!