Dans le monde des affaires québécois, chaque département contribue au succès global d’une entreprise, et les ressources humaines (RH) ne font pas exception. Les ventes, le marketing et les RH jouent chacun un rôle clé, mais ils sont souvent évalués de manière très différente. Alors que le marketing et les ventes disposent de KPI précis pour mesurer leur contribution directe à la croissance, les RH s’appuient généralement sur des critères plus qualitatifs, souvent moins quantifiables. Imaginons un instant que les RH au Québec soient évalués avec la même rigueur que les ventes ou le marketing. Cela pourrait changer bien des choses, et cet article explore cette idée avec un regard tourné vers le potentiel d’évolution.

Des objectifs clairs et mesurables pour mieux suivre l’impact des RH

Au Québec, les directeurs de ventes sont souvent évalués selon des KPI précis, comme les quotas de ventes, le taux de conversion et le revenu généré. Ces métriques permettent de justifier des ajustements, des formations, ou même des révisions de poste. En RH, les critères utilisés sont souvent qualitatifs, se concentrant sur des notions comme la satisfaction, l’engagement et la culture d’entreprise. Selon un sondage de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec, plus de 70 % des départements RH disent manquer de moyens pour mesurer leur impact directement.

En définissant des KPI clairs pour les RH – par exemple, le taux de rétention, les délais de recrutement et le niveau de satisfaction des employés — les entreprises pourraient suivre de manière plus précise l’apport des RH à la performance globale. Il ne s’agit pas de dénaturer le rôle humain des RH, mais de mieux quantifier leur impact pour le valoriser.

Responsabilisation accrue pour une valeur ajoutée concrète

Dans les départements de ventes et de marketing au Québec, les performances sont suivies de près, et les objectifs sont souvent revus chaque trimestre. Les RH, en revanche, fonctionnent sur des critères parfois plus flous, ce qui peut donner une impression de laxisme. Pourtant, l’importance stratégique des RH pour la rétention et le bien-être des talents est indéniable, surtout avec une pénurie de main-d’œuvre de plus en plus marquée au Québec.

Une responsabilisation accrue pourrait encourager les RH à expérimenter de nouvelles méthodes, à mesurer leur efficacité, et à apporter ainsi une valeur ajoutée plus concrète. Plutôt qu’une contrainte, cette responsabilisation pourrait leur donner une autonomie accrue, en les positionnant comme de véritables partenaires stratégiques dans les décisions d’entreprise.

Favoriser l’innovation et l’adaptabilité

Au Québec, le marketing suit de près les tendances des consommateurs et utilise des outils avancés pour comprendre leurs besoins. Les RH pourraient, avec des outils adaptés, suivre des tendances internes, comme l’évolution des attentes des employés en matière de bien-être et de développement professionnel. En 2023, un rapport de l’Institut du Québec montre que 68 % des employés québécois priorisent des entreprises offrant un environnement de travail adaptable.

En s’inspirant de l’approche marketing, les RH pourraient utiliser des analyses de données et des sondages pour mieux comprendre les besoins des employés et prendre des décisions éclairées. Intégrer des KPIs tels que le bien-être et l’engagement dans les évaluations permettrait aux RH de renforcer l’adaptabilité de l’entreprise face aux changements.

Un impact direct sur la culture de performance

La culture de performance est un sujet central dans les entreprises québécoises. En adoptant des critères de performance bien définis, les RH contribueraient directement à cette culture où chaque initiative est évaluée pour son impact, qu’il s’agisse de programmes de formation ou de politiques de bien-être.

Cette culture d’évaluation pourrait valoriser les actions RH, en démontrant l’apport stratégique du département au-delà de sa dimension administrative. Avec des KPIs bien définis, les RH se positionneraient comme des acteurs clés de la culture d’entreprise et de la performance, en renforçant la cohérence entre les différents départements.

Amélioration du potentiel salarial grâce à des objectifs mesurables

En entreprise, les départements aux résultats mesurables et aux objectifs clairs bénéficient souvent d’un potentiel salarial plus élevé. Par exemple, les programmeurs et les ingénieurs, qui travaillent avec des objectifs concrets et des performances facilement évaluables, affichent un salaire moyen nettement supérieur à celui des professionnels RH ayant la même formation universitaire. Selon Statistique Canada, les programmeurs ayant une formation de niveau universitaire gagnent en moyenne 20 % de plus que les professionnels RH au Québec.

Si les résultats des RH devenaient aussi mesurables que ceux des ventes ou du marketing, cela pourrait renforcer la valorisation de leur expertise et, à terme, améliorer leur potentiel salarial. En ayant des KPIs précis pour évaluer l’impact des actions RH, il deviendrait plus facile de justifier un alignement des salaires avec d’autres départements stratégiques, reflétant leur contribution réelle à la performance globale de l’entreprise.

Des entrevues perçues comme des conversations plutôt que des interrogatoires

Au Québec, de nombreux candidats perçoivent encore les entrevues comme des interrogatoires formels plutôt que des échanges ouverts. Selon un sondage de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (OCRHA), environ 55 % des candidats ressentent du stress ou de l’inconfort en entrevue, mentionnant souvent un manque d’écoute ou une atmosphère tendue. De plus, les commentaires sur les réseaux sociaux témoignent d’expériences désagréables et d’un sentiment d’austérité dans le processus d’évaluation.

Pour créer une meilleure expérience candidat, les entrevues en RH pourraient être réinventées pour s’apparenter davantage à un processus de vente et de conversation, similaire à l’approche d’un vendeur avec ses prospects. Plutôt que de se limiter à un format question-réponse rigide, les entrevues devraient permettre aux candidats de découvrir les avantages et la culture de l’entreprise tout en mettant en valeur leurs compétences.

Un autre point essentiel serait la création d’un département de gestion des plaintes candidats, un service qui répondrait aux préoccupations et retours des candidats, offrant ainsi un suivi transparent. Si l’on se fie aux statistiques disponibles, près de 40 % des candidats québécois partagent leurs expériences de recrutement en ligne (OCRHA, 2023), souvent pour exprimer leur frustration ou leur déception. Un département dédié pourrait offrir des retours constructifs pour améliorer le processus, tout en montrant l’engagement de l’entreprise à valoriser et écouter les candidats. Pour preuves supplémentaires ;

  • Toujours selon l’OCRHA, plus de 70 % des candidats affirment que leur expérience en recrutement influe sur leur perception de l’entreprise. Cela montre bien l’importance d’un accueil chaleureux et d’un processus d’entrevue plus humain, afin d’améliorer la réputation de l’entreprise et d’attirer des talents qualifiés.
  • Une étude menée par l’Institut de la statistique du Québec en 2022 révèle que seulement 35 % des candidats reçoivent un accusé de réception après l’envoi de leur CV, et moins de 20 % obtiennent un retour d’appel ou une réponse à leurs questions pendant le processus de recrutement. Cette absence de communication peut nuire à l’image de l’entreprise et décourager des talents potentiels.

Vers un avenir où les RH sont des partenaires stratégiques, au cœur de la performance et de l’expérience employé

Et si les RH étaient évalués avec la même rigueur que le marketing et les ventes ? Cette réflexion va bien au-delà d’une simple question d’équité. Il s’agit d’une opportunité de transformer la fonction RH en un moteur stratégique de l’entreprise, de renforcer son impact et de valoriser l’expertise RH au même titre que celle des départements générant des revenus directs.

En intégrant des objectifs clairs et des KPIs mesurables, les RH au Québec pourraient démontrer leur contribution concrète à la croissance et au bien-être de l’entreprise. Cela signifie que chaque action RH, du recrutement à la rétention, pourrait être suivie et ajustée avec la précision d’un tableau de bord de ventes, offrant ainsi une vue claire et accessible de l’impact RH sur la santé globale de l’entreprise. Au lieu d’un département de support, les RH deviendraient alors de véritables partenaires stratégiques, reconnus pour leur contribution mesurable et durable.

Une telle transformation favoriserait également l’innovation et l’adaptabilité dans la gestion des talents, permettant aux RH d’être aussi agiles que les départements orientés client. Avec des processus de recrutement repensés pour être plus humains, des outils pour mesurer le bien-être et des indicateurs de satisfaction des candidats, les RH pourraient créer une expérience employé véritablement engageante, tout en répondant aux défis contemporains comme la pénurie de main-d’œuvre et les attentes de flexibilité. Cela permettrait de construire une culture d’entreprise solide, fondée sur la performance et l’inclusivité, et capable d’attirer et de retenir les meilleurs talents.

À retenir…

En adoptant une culture de performance et de responsabilité, les RH seraient mieux valorisés, ce qui pourrait même se traduire par une reconnaissance salariale accrue. En fin de compte, c’est toute l’entreprise qui bénéficierait d’une fonction RH renforcée, capable de prendre des décisions éclairées et d’apporter une valeur mesurable, à l’image des départements commerciaux.

Imaginer les RH sous cet angle n’est pas une remise en question de leur mission humaine, mais bien une invitation à maximiser leur potentiel et leur impact dans un monde où la compétitivité et l’attraction de talents sont essentielles à la réussite. Les entreprises québécoises qui choisiront cette voie auront non seulement des RH au service de la performance, mais aussi au service d’une expérience employé et candidat enrichie, fondement d’une croissance durable et harmonieuse.