À l’approche des fêtes de fin d’année, l’attention se focalise bien souvent sur les réjouissances collectives : dîners de Noël, remises de primes, moments conviviaux entre collègues, sans oublier la délicate organisation des congés. Derrière ces célébrations internes, un département se retrouve en première ligne pour orchestrer ces multiples tâches : les ressources humaines. Si l’image la plus courante est celle d’un service RH pragmatique et opérationnel, toujours en mode « solution » ou « gestion d’urgence », on oublie fréquemment la dimension profondément émotionnelle que représente cette période pour les professionnels qui le composent.

Quand les RH deviennent le « premier recours » émotionnel

Dans bien des entreprises, la fonction RH occupe un rôle pivot. Les employés s’y tournent en cas de litige, d’incompréhension, mais aussi lorsque surgissent des enjeux personnels qui prennent une résonance particulière en fin d’année. Stress lié à la charge de travail, appréhension du bilan annuel, fatigue accumulée, difficultés familiales ou financières : autant de réalités humaines qui, à l’aube des fêtes, peuvent s’intensifier. Les RH se retrouvent alors non seulement responsables de la bonne marche des opérations (gestion des congés, communication interne, préparation des nouvelles politiques RH pour le début d’année), mais aussi, involontairement, thérapeutes improvisés ou « pompiers » émotionnels.

Le « syndrome du réparateur » : quand la bonne volonté se transforme en pression interne

Face à un collaborateur en difficulté, le réflexe naturel du professionnel RH est souvent d’agir rapidement, de corriger ce qui ne va pas, de fournir une solution immédiate. Cette tendance, parfois qualifiée de « syndrome du réparateur », se renforce durant les fêtes. Pressés par l’urgence de clore l’année sur une note positive, les RH peuvent être tentés de répondre immédiatement à chaque problème, qu’il s’agisse d’un conflit non résolu, d’une demande d’aménagement de congés ou d’un mal-être exprimé par un salarié. Or, cette pression interne à « tout résoudre » est émotionnellement coûteuse. À force de devoir apaiser, rassurer, négocier et offrir des réponses concrètes, le professionnel RH peut lui-même éprouver une fatigue émotionnelle, un sentiment d’épuisement ou d’insatisfaction face à l’impossibilité d’améliorer pleinement toutes les situations.

L’effet cumulatif : charge de travail et charge émotionnelle

Décembre est traditionnellement un mois chargé sur le plan opérationnel : finalisation des entretiens annuels, préparation des projets de début d’année, élaboration des nouveaux budgets de formation, organisation des festivités internes, sans oublier la gestion des congés, cruciale pour maintenir la continuité de l’activité. Cette charge de travail est déjà conséquente. Mais lorsque l’on y ajoute la nécessité d’être disponible émotionnellement pour écouter, comprendre, valider les ressentis des uns et des autres, cela peut devenir éprouvant. Les RH sont alors confrontés au double fardeau de la performance (assurer les missions de fin d’année) et de l’empathie (accompagner les salariés en difficulté).

Reconnaître la réalité émotionnelle des RH : un premier pas vers l’équilibre

La prise de conscience est un levier essentiel. Comprendre que les RH ne sont pas seulement des « gestionnaires de ressources », mais aussi des « soutiens humains » peut conduire l’entreprise à adopter une posture plus empathique envers ses propres gestionnaires du capital humain. Quelques pistes pour alléger cette pression :

  • Créer des espaces de parole pour les RH eux-mêmes : Les professionnels RH ont aussi besoin d’être écoutés, de partager leurs difficultés, leurs doutes. Des sessions internes, des rencontres entre pairs ou des moments dédiés à l’équipe RH permettent de décharger une partie de la tension accumulée.
  • Encourager le soutien managérial : Les responsables hiérarchiques peuvent jouer un rôle clé en reconnaissant l’effort émotionnel que fournissent les RH. Leur offrir du temps, des moyens (formations à l’écoute active, coaching, supervisions externes) contribue à prévenir l’épuisement.
  • Valoriser l’empathie avant la solution : Il est parfois plus efficace, en première instance, d’écouter et de valider le ressenti d’un salarié plutôt que de chercher immédiatement à résoudre le problème. Cette approche, paradoxalement, peut réduire la pression sur les RH, car elle permet au collaborateur de se sentir entendu, diminuant ainsi la nécessité de déployer des solutions instantanées.
  • Repenser l’organisation de fin d’année : Plutôt que d’entasser réunions, festivités et ajustements de dernière minute, l’entreprise peut anticiper une partie des tâches, étaler certains projets ou impliquer davantage les équipes dans l’organisation, réduisant ainsi la charge sur les RH.

Cap sur une fonction RH plus durable et plus humaine

La période des fêtes est un moment charnière pour les entreprises et les individus. Si l’on veut que l’esprit de Noël ne rime pas avec stress et sursollicitation des RH, il est crucial d’adopter une vision plus équilibrée de cette fonction. Reconnaître la dimension émotionnelle du métier, offrir un soutien, répartir équitablement la charge et favoriser une vraie écoute des salariés comme des RH eux-mêmes sont autant de clés pour que cette fin d’année ne soit pas seulement synonyme de solutions d’urgence, mais aussi d’humanité et de bien-être partagé.